Nos amis les poils

Le poil, c’est un peu l’ennemi de l’été. On ne veut le voir nulle part sauf sur notre tête, on cherche toujours à l’éradiquer mais au final, on se pose rarement la question de pourquoi il est là. C’est parti pour un petit tour d’horizon du poil !


Passer le poil au peigne fin

Nos poils font partie d’un organe qu’on appelle le tégument. Il représente 15% de notre masse corporelle et est un des plus grands organes de notre corps. Le tégument, chez les fruits, est l’enveloppe protectrice autour de la graine. C’est un peu pareil chez les animaux. Il constitue la frontière entre notre corps et l’environnement extérieur, nous protégeant ainsi des blessures et des maladies, puisque notre peau sert de barrière face à une multitude de bactéries. Le tégument est composé de trois éléments : le derme, l’épiderme, qu’on appelle la peau, et les appendices.

Certains appendices sont produits collectivement par le derme et l’épiderme, comme les dents ou les écailles des poissons. D’autres sont produits uniquement par l’épiderme, dont les plumes, les griffes, les cornes, les ongles, et les poils. Existant seulement chez les mammifères, ces derniers servent à maintenir une température corporelle stable. Bon, chez les humains, il n’y a plus vraiment de pelage, alors on peut se demander si les poils ont toujours cette fonction. Et bien en fait, les poils et l’épiderme travaillent en duo. Ils participent donc à nous maintenir au chaud ensemble. Ils ont d’ailleurs d’autres fonction que celle-ci : ils nous protègent des agressions extérieures, comme les cils qui servent de rempart à nos yeux.

Les poils et les cellules de la peau contiennent de la kératine, cette protéine dont parlent tous nos shampooings. C’est une protéine fibreuse, à la fois résistante et imperméabilisante. En fait, sans peau, sans poils et surtout sans kératine, on ne serait pas étanche ! Mais plus sérieusement, la peau et les poils permettent aussi de protéger des UVs, de transpirer et de répartir le sébum sur le corps grâce à la présence de cellules particulières et de glandes qui traversent le derme pour arriver à la surface de notre peau.

Nos poils endossent donc de nombreuses fonctions au sein de notre corps. Mais rassurez-vous : il semble que l’épilation ou le rasage, n’empêchent pas le bon déroulement de ces fonctions !

Une histoire de poils… ou d’absence de poils

Cela fait longtemps que le poil est sujet à débat, autant dire qu’il nous fait suer ! Les débuts de l’épilation semblent avoir eu lieu durant la préhistoire, puisqu’on retrouve des pinces à épiler sur des sites datés de cette époque-là. Mais pourquoi tant d’acharnement ? Parce que tantôt synonyme de force en Occident, tantôt d’animalité en Orient, le poil est un symbole.

En Égypte antique, l’absence de poils est vue comme un symbole de pureté, tandis que la pilosité évoque l’animalité. De ce fait, les aristocrates s’épilent intégralement, hommes comme femmes. Il en est de même en Mésopotamie où les rois et reines s’épilent à l’aide de pinces à épiler et même de crèmes dépilatoires. C’est aussi une preuve d’hygiène et lors des échanges médiévaux de l’Orient avec les occidentaux, ceux-ci sont vus comme peu hygiéniques, en partie parce qu’ils ne s’épilent pas.
Si l’épilation est bien acceptée dès l’Antiquité en Orient, elle connaît en effet un parcours plus mouvementé en Occident. Durant l’Antiquité greco-romaine, qui est la période antique ayant le plus influencé l’Occident, on retrouve des textes écrits par Ovide préconisant aux femmes de s’épiler les aisselles et les jambes. Les motivations à l’épilation ne sont donc pas les mêmes et ne concernent pas les mêmes individus.

Photo de Nataliya Vaitkevich sur Pexels.com

Cela évolue puisque par la suite, dans le monde gréco-romain, l’épilation est vue comme une pratique hygiénique, exercée dans toutes les classes sociales, même chez les esclaves. Lors de la chute de l’empire romain, l’épilation devient progressivement mal vue en Occident, puisque selon certains arguments religieux, elle va à l’encontre de la volonté de Dieu, dans le sens où elle constitue une modification du corps. Mais surtout, le poil est symbole de virilité, de fertilité et d’âge adulte. Le poil est donc vu comme étant l’apanage de l’homme, qui prend grand soin de sa barbe et ses cheveux, tandis qu’être une femme consiste, par opposition, à ne pas avoir de poils.


Laurent Turcot de la chaîne YouTube « L’Histoire nous le dira » avec le site « Actuel Moyen-Âge » reviennent avec justesse sur les dires de Henri de Monteville, médecin au 14ème siècle, qui identifie déjà que les femmes s’épilent (notamment le pubis) pour « être agréables aux hommes » :

« L’épilation est entièrement arrachée à la femme : elle ne le fait que pour l’homme. Et elle ne le fait que pour « être agréable », un devoir qu’on lui impose – elle doit être douce, physiquement comme moralement. Bref, ce que pointe avec lucidité Mondeville, c’est que dénoncent aujourd’hui des auteurs comme Mona Chollet : l’épilation est l’un des grands symboles de la domination masculine sur le corps des femmes. »

laurent turcot

S’il est vrai qu’aujourd’hui en Occident, les hommes ont tendance à s’épiler eux aussi, il semble que leur geste n’a pas le même fondement ni la même implication sociale que pour les femmes. Pour certain•es, refuser de s’épiler devient alors un moyen de se réapproprier son corps et d’affirmer qu’il•elle n’a pas besoin de répondre au désir dit masculin. Mais qu’on décide de les garder ou de s’en passer, faisons le avec un peu d’amour pour notre corps, il le mérite bien : il nous permet de ne pas nous évaporer sur place !

Diane Mottet pour le magazine Infusciences

2020

Bibliographie

Drocourt, N. (2016). Au nez et à la barbe de l’ambassadeur. Cheveux, poils et pilosité dans les contacts diplomatiques entre Byzance et l’Occident (VIe-XIIe s.).

GUILAINE, J. (2011). La violence dans la Préhistoire. Violence (s) de la Préhistoire à nos jours. Les sources et leur interprétation, 13-25.

Kandil, H., & El-Mohamdy, M. (2018). Role of the Hair in Ancient Egypt. International Journal of Tourism and Hospitality Management, 1(1), 77-95.

Kardong, K. V. (1997). Vertebrates: comparative anatomy, function, evolution. Heinle and Heinle Publishers.

Webographie

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer